Le XVIIIe siècle est un moment crucial de la construction de l'idée d'Europe. Les
hommes des Lumières s'interrogent sur ses limites géographiques, politiques,
culturelles. Cette réflexion implique une discussion sur ses marges, ses frontières,
sur le non-européen ou le presque européen. Or, parmi ces terres de confins,
l'empire de Russie émerge comme puissance au début du XVIIIe siècle.
L'étonnement des contemporains devant ce phénomène s'intègre dans les débats
sur ce qu'est l'Europe. L'intérêt des Lumières pour la Russie ne relève donc pas
seulement d'un goût pour les immensités enneigées ou des bulbes des cathédrales
de Moscou. Il pose des questions sur ce qui définit l'Europe sur ses marges : ses
bornes, sa population, ses moeurs, ses lois, ses régimes politiques, son histoire, son
développement économique, sa «civilisation» opposée à la «barbarie» ou à la
«sauvagerie»...
Cet ouvrage entend étudier les représentations et les usages de la Russie dans les
débats intellectuels de la France des Lumières entre 1751 et 1789 en se basant sur
un corpus d'encyclopédies, de celle de Diderot et d'Alembert à l'Encyclopédie
méthodique de Panckoucke à la veille de la Révolution. Ces idées, ces
représentations s'insèrent dans un large débat qui se déploie à partir des années
1750 sur la notion de «civilisation».
Quels sont les regards sur la Russie dans la France des Lumières en 1751 ?
Comment évoluent-ils avec l'arrivée de Catherine II au pouvoir ? Les réponses à ces
questions nous amèneront à nous interroger sur la place des discours
encyclopédiques dans «l'invention de l'Est» et dans celle de la «géographie
philosophique» des Lumières dont bien des éléments annoncent les représentations
postérieures de l'Europe et celles de la Russie jusqu'à nos jours.
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