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Institué en 1838 par une « loi de police et de bienfaisance », l’asile n abrite pas seulement, au XIXe siècle, les cas aigus de démence : il est aussi — surtout, peut-être, lorsqu’il s’agit des femmes — un lieu d’observation pour connaître et réduire au silence des conduites qui menacent, ou semblent menacer, l’ordre public ou privé. Folle, Adèle, qui se refuse à son mari ; folle, Camille, qui s’affiche avec un homme de vingt ans son cadet ; folle, Mlle L. qui, pour avoir frappé un agent, se retrouve à « l’hôpital spécial » (le même geste aurait mené un homme en prison)... Ce sont ces femmes que Yannick Ripa a voulu accompagner, d’abord sur le chemin qui les conduit de la normalité à la folie — qui est internée, et pourquoi ? —, puis derrière les murs du grand renfermement. La vie à l’asile est ici minutieusement décrite : monde quasi carcéral, où dominent souvent la pénurie, la surpopulation et la misère matérielle ; un « entre-femmes » où règne un homme seul, le tout-puissant « médecin spécial ». Peu de soins, en dehors de l’hydrothérapie, pratiquée parfois avec une violence meurtrière ; le « traitement moral », cette grande invention du XIXe siècle, qui devait faire comprendre à l’aliénée, par l’écoute et la douceur, l’aberration de ses raisonnements, est tôt perverti : la compréhension cède le pas à la contrainte. Élevés au rang de thérapie, le travail et la répression sont là pour réintégrer la femme dans un moule dont elle n’avait pu supporter la rigidité. Malade d’incompréhension, la folle devra « guérir » sans s’être jamais fait entendre ni comprendre... Silence, enfermement, soumission à des valeurs établies par des hommes et pour des hommes : n’est-ce point là l’image, grossie sans doute mais nullement déformée, de ce qu’était la condition féminine au siècle qui précéda le nôtre ?