Mes deux premières visites (1884 et 1885) ne m'avaient pas laissé croire à la possibilité d'une traversée souterraine ; l'aspect des lieux concordait trop bien avec les propos des indigènes ; plusieurs personnes, disait-on, avaient déjà tenté la chose sans succès ; arrêtées l'une par l'obscurité, l'autre par la violence du courant d'air, celle-ci par le fracas des eaux, celle-là par la verticalité des rochers (toutes en somme par le défaut de matériel ou de vouloir). De nombreux corps flottants jetés dans l'aven ne s'étaient jamais remontrés aux cascades de la sortie ; d'infortunés volatiles aquatiques livrés au gouffre n'avaient reparu qu'après de longs jours et sous la forme de quelques plumes éparses ; un suicide même, ajoutait-on, s'était perpétré dans la perte du Bonheur et Bramabiau n'avait oncques rendu le cadavre ! Bref, à Camprieu, comme à Meyrueis, on tenait pour indéchiffrable l'énigme du torrent souterrain. Elle devait pourtant se laisser deviner, car l'exagération de tous ces récits m'avait justement donné l'envie d'en contrôler la vraisemblance.
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