Esthétiques
Les lumières de l'auditorium s'estompent et le silence s'installe... Un silence quasi-religieux que viennent rompre les premiers applaudissements discrets et mesurés pour accueillir l'orchestre. Le rituel prend place. Ainsi commence le concert : un orchestre, un public et entre eux, un chef d'orchestre comme figures centrales. Mais ont-elles toujours existé ? Telles que nous les connaissons aujourd'hui, ces figures sont récentes. En réalité, elles se profilent au XVIIIe siècle pour s'émanciper au XIXe siècle, alors que les idéaux de la Révolution ont triomphé et qu'un vent de romantisme souffle sur la vie musicale.
Explorer les fondements sociaux et culturels de notre modernité musicale, tel est l'objet de ce livre. Une modernité qui part d'une « révolution symphonique » et qui consacre l'orchestre, son chef et le mélomane. Toutefois, ce n'est pas un monde musical radicalement nouveau qui sort de cette révolution mais un monde ambivalent abolissant les anciennes conceptions et perceptions de la musique. Au XVIIIe siècle prend forme un nouveau public, sensible, non pas seulement au « pouvoir moral » de la musique, comme c'était le cas dans les siècles passés, mais à sa dimension proprement esthétique. Ainsi s'imposent progressivement les concerts publics dans un contexte historique particulier, celui de la reconnaissance progressive de l'individualité et de l'égalité comme fondements politiques de la société moderne. L'invention d'une modernité musicale peut être éclairée à partir de l'invention de notre « modernité ».
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