Comment fédérer des mouvements sociaux dont la libre association
n'implique aucunement la fusion dans un ensemble homogène
et centralisé ? Cette question est bien au coeur des luttes
altermondialistes et des mouvements des indignés. Comment aller
jusqu'au bout de la démocratie «réelle» qui fédère les savoirs
locaux et les savoirs universels, les savoirs de la vie quotidienne
et les expertises savantes ? La réponse ne réside pas dans un
passage «en douceur» du capitalisme financier au communisme
informationnel. Les usages sociaux des nouvelles technologies
de l'information ne sont jamais déterminés technologiquement,
ils portent toujours en eux la possibilité d'un choix, contradictoire,
entre plusieurs politiques. La grande alliance entre les cadres, les
travailleurs de l'information et les couches populaires ne naît pas
spontanément de la mise en commun des expériences locales ;
elle ne doit pas en effet gommer les différences des trajectoires
de ceux qui décident de lutter ensemble.
Ce livre tente de montrer comment les luttes des paysans irrigateurs,
des communautés villageoises coopératives ont quelque
chose de commun avec le combat des jeunes diplômés pour une
nouvelle civilisation post-capitaliste. La révolution industrielle à laquelle
continue de renvoyer la «modernité» capitaliste (production
et la consommation de masse, centralisation hiérarchique, division
du travail) s'oppose radicalement à la nouvelle «modernité»
issue de la révolution informationnelle. C'est elle qui donne sens
au mouvement actuel en faveur des coopératives, de l'économie
solidaire, c'est elle qui fonde toutes les nouvelles pratiques solidaires,
les expériences de démocratie directe tant dans l'accès
aux ressources naturelles que dans le partage des informations.
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