Après avoir exhorté les pères à couper le cordon ombilical, on a
ré-incité les mères à allaiter, puis valorisé le contact peau à peau
avec le nouveau-né, et certains les invitent à contempler leur
placenta. Désormais, les parents d'un enfant mort-né sont encouragés
à le toucher ou à le photographier. Alors que la confrontation
avec le corps des défunts est supposée favoriser le «travail
de deuil», la crémation est suspectée de nuire à celui-ci. Parallèlement,
l'accès aux origines biologiques des personnes adoptées
ou nées par don de gamètes est prôné pour leur bien-être identitaire.
Et dans les organes transplantés s'insinue la personnalité
du donneur, menaçant la greffe de rejet psychique.
Ainsi s'opère, autour de la naissance et de la mort, depuis une
vingtaine d'années et dans la plupart des pays occidentaux, une
focalisation sur le corps comme support de l'identité. Quelle
inquiétude sous-tend ces conceptions que les professionnels du
psychisme, du soin et du funéraire sont souvent les plus soucieux
de mettre en pratique ? Comment la chair a-t-elle été investie
d'effets psychiques censés resserrer des liens vécus comme trop
lâches et fortifier des identités éprouvées comme trop flottantes ?
À travers des gestes dont la convergence était restée inaperçue,
cette enquête révèle un tournant idéologique et culturel majeur.
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