À la Réunion, près de quatre actifs sur dix sont au chômage. En même temps, et contrairement à ce qui est observé en France métropolitaine, cette société ne développe aucun signe majeur « d'exclusion sociale ». D'où la question que l'on est en mesure de se poser : à quoi tient la cohésion sociale dans cette société pour le moins inégalitaire ? En pointillé se pose également la question de la place et de la fonction sociale du travail salarié dans l'organisation de la société réunionnaise. Dans ce contexte de chômage de masse, l'économie de transferts a joué un rôle essentiel dans le processus d'intégration des populations défavorisées issues de la société traditionnelle et rurale. Le Revenu minimum d'insertion en particulier, alloué à plus d'une famille sur quatre, a provoqué une profonde mutation du rapport à l'emploi pour ces populations qui, bien souvent, n'avaient alors le choix qu'entre le sous-emploi faiblement rémunéré et le chômage non indemnisé. Les pénuries de main-d'œuvre observées dans les plantations de canne à sucre sont, sur ce point, emblématiques de la transformation récente des rapports de travail dans la société créole. À partir d'une enquête ethnographique qu'il a menée au cours de plusieurs séjours dans l'île, Nicolas Roinsard montre ainsi - dans ce qu'il nomme une sociologie des réaffiliations - combien les revenus de transferts représentent pour un grand nombre d'individus un facteur d'autonomisation relative pouvant s'articuler avec les formes de solidarité traditionnelles, beaucoup plus qu'un symptôme ou un vecteur de désaffiliation et de dépendance. Le jeu des solidarités publiques et privées permet à la société réunionnaise de pallier les conséquences sociales de son chômage de masse en assurant l'intégration de toute une frange de la population exclue de la condition salariale.
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