Il serait vain de croire, remarqua l’anthropologue colombienne Nina S. de Friedemann, que le captif africain transféré sur le sol américain « laissa derrière lui ses dieux, ses rêves ou les contes de ses ancêtres ». Eugène D. Genovese a probablement raison en proposant que « la religion noire, comprise comme le système d’appréhension d’un monde en gestation – inachevé, souvent contradictoire et même parfois incohérent – s’est révélé l’arme la plus puissante des esclaves, l’outil qui leur permit de résister à l’agression morale et psychologique de l’esclavage ». C’est ce que cet ouvrage prétend illustrer pour les Amériques latines.
Les religions traditionnelles africaines, par leur caractère polythéiste, permettaient une adaptation qui donnait lieu à une nouvelle forme de religiosité, constitutive en définitive d’une identité sui generis, comme cela faillit apparaître dans les « palenques » de Bayano (Panama) et de Yanga (Mexique). Elle imprégna la religion dominatrice dans bon nombre de régions où avait sévi l’esclavagisme. Grâce à la fin du monoculturalisme imposée par la disparition de la fonction crypto-religieuse de l’État (Farhad Khosrokhavar), ce catholicisme « mutant » survécut jusqu’à nos jours pour se donner à voir maintenant au grand jour, dans une sorte d’inversion des situations : la réaction identitaire exprimée à travers la « santería » (Cuba) et le « candomblé » (Brésil) finit par attirer les Blancs eux-mêmes. Et même sans aller jusque-là, nous rejoindrions l’analyse de Roger Bastide sur la transformation du catholicisme grâce à l’influence africaine dans le Nouveau Monde. Elle l’a rendu « plus affectif, sentimental, voire irrationnel, que dogmatique, puritain et formaliste ».
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