La France a la passion de l'universel. Du Roi-Soleil à sa Révolution vécue comme une aurore, et à la République, drapeau hissé face à quiconque viendrait d'ailleurs suggérer d'autres formes de la démocratie, elle s'est offerte à l'Europe des souverains et des peuples comme le modèle d'une politique marquée du sceau universel de la raison.
Mais la France a aussi depuis longtemps déjà le goût de la commémoration, comme une manifestation sans doute de ce qui combat en elle la passion de l'universel : l'amour du sol national corrigé du mot «République».
Il semble, enfin, que la France vive de nos jours une maladie de la déploration. Trois siècles après la Révolution, elle a renoncé à sa farouche certitude d'être le phare universel du monde et elle vit désormais tranquillement au cœur d'une Europe qui cherche à organiser la paix du monde.
L'universel a divorcé du particulier, les formes de la République sont devenues étrangères à la nation qui leur donnait un fond.
Passion de l'universel, goût de la commémoration, maladie de la déploration : se pourrait-il que ces trois phénomènes aient partie liée ?
Cet ouvrage est à l'origine, sous le titre «La démocratie française au risque du monde», le chapitre d'ouverture du tome premier (Idéologies) de La démocratie en France, sous la direction de Marc Sadoun (Gallimard, 2000).
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