La nuit n’a pas la faveur des historiens. Les spécialistes de la Renaissance nous assurent qu’elle est le moment de tous les dangers, pour le corps et pour l’âme, alors tourmentés par le diable et les rêves impurs. L’enquête menée par Daniel Ménager dans la culture littéraire des élites parvient à des résultats fort différents. A la suite d’Orphée et bien avant les romantiques, les poètes de la Renaissance y ont trouvé le temps de l’apaisement. Les astronomes, comme Galilée, ont attendu impatiemment que la vaste nuit allumât étoiles et planètes. Quant aux mystiques, ils ont cherché des nuits entières les voies obscures du désir de Dieu. Il n’en fallait pas plus pour que les livres d’emblèmes célèbrent, avec l’artifice de la concision, les vertus du travail nocturne. Si la nuit est normalement destinée au sommeil, le héros de cet ouvrage, Don Quichotte de la Mancha, celui qui joue ses rêves les yeux ouverts, vient nous sommer de sacrifier le repos au devoir de vigilance. La Renaissance et la nuit écrit l’histoire d’une conception; ses heures d’élection incitent aussi à la rêverie en compagnie de Pétrarque, Sannazar, Michel-Ange, Le Tasse, Ronsard, Belleau, Shakespeare, Cervantès et de beaucoup d’autres, dont quelques peintres qui, autrement que les écrivains, ont donné à voir la nuit.
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