La thématique et l'esthétique du cinéaste Ingmar Bergman s'articulent autour du gros plan de visage, dans la fulgurance duquel trouve à s'incarner la question de l'Autre. Rivé à la solitude d'un imaginaire vampirique, le sujet - et le spectateur avec lui - est bientôt pris dans le face à face avec les représentations bouleversantes d'un visage humain mis à la torture. Mais une telle confrontation signe-t-elle l'échec de la rencontre du prochain, ou signifie-t-elle, par-delà la déchirure de l'image, la manifestation d'autrui en tant que tel ? La convocation inattendue de la pensée éthique d'Emmanuel Lévinas se montre pertinente pour interpréter la signification de la relation interhumaine chez le réalisateur de Persona et de Cris et Chuchotements. La dé-figuration est une trans-figuration : dans son jeu de cachecache avec le visible, le gros plan bergmanien désigne le paradoxe même de la révélation du Visage d'autrui qui perce tous les masques mortifères. A l'écoute de l'Autre, la lanterne magique de Bergman s'ouvre, au cœur de l'immanence cinématographique, à la percée de la transcendance de l'amour.
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