Paul Brousse (1844-1912) est une figure oubliée du socialisme
français. Médecin psychiatre, collectiviste et ancien libertaire,
élu au conseil municipal de Paris de 1887 à 1906 (il présidera
cette assemblée municipale en 1905) et député de la Seine de
1906 à 1910, il s'est illustré par son socialisme réformiste de
type municipal et par la création, avec Jules Joffrin, du parti
«possibiliste», la Fédération des Travailleurs Socialistes Français,
en 1883. La même année, il publie La Propriété collective
et les Services publics qu'il republiera en 1910.
Les services publics doivent-ils être l'incarnation de l'État, sa
manifestation sociale au niveau de la commune, ou bien sa pure
et simple négation politique et économique par absorption locale
? Le socialisme réformiste de Paul Brousse essaie d'y répondre
en articulant la question de la propriété collective avec
celle des services publics pour préparer au dépassement du capitalisme
par une voie «qui passe à égale distance de la réaction
et de l'utopie».
Fortement influencé par le socialiste collectiviste belge César
de Paepe, Brousse entend surtout lutter par les services publics
contre les monopoles nés de la concentration capitaliste : à la
commune la charge de l'unité sociale par la démocratie directe et
du monopole du travail ; à l'État l'unité politique de la République
et, face au monopole du capital, le monopole sur le domaine
foncier, les grandes industries et l'enseignement intégral.
Mais, plus amplement encore, l'enjeu essentiel du possibilisme
de Brousse dans La Propriété collective et les Services publics est
de dépasser l'alternative et même l'opposition, exacerbée par les
marxistes, entre réformistes et révolutionnaires, pour prolonger
graduellement, par-delà les clivages, le républicanisme bourgeois
en République sociale, dans la lignée du socialisme jaurésien.
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