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« Tout ce que j’écris est au passé. On n’en finit pas avec lui, bien plus fécond que toute anticipation, inépuisable à mesure qu’on le déplie et lui fait les poches. Très jeune encore, je songeais à ma vie au passé, je me voyais volontiers tel que je n’avais jamais été, comme sur une photo prise par l’un de mes deux amis de lycée, assis sur une petite chaise dorée dans le parc d’Effondré, devant la perron à l’arrière, la porte aux volets clos. Je n’avais pas vingt ans. Nous avions acheté aux Puces de Clignancourt des vêtements noirs de gala, des fracs usés que leurs propriétaires défunts ne mettaient plus depuis longtemps, des chapeaux haut-de-forme ou des melons, de minces cannes d’apparat, toujours sous l’influence esthétique du film d’Ophuls, Le Plaisir, pour nous déguiser parfois. Une élégance ridicule aux yeux de mon père. Lui qui avait vécu la guerre et les bombardements, quelle idée bizarre avait germé chez son fils insaisissable, c’était sournoisement insultant. Il n’y avait rien à expliquer, c’était un caprice démodé comme il y en a souvent dans les fêtes. »
La Porte dorée est le récit d’un destin ; libre, baigné par la lumière de l’ailleurs, porté par le goût de la fiction. Avec un instinct de voyageur, Michel Braudeau mène plusieurs vies en parallèle, devient journaliste au Monde, éditeur chez Gallimard, juré du prix Médicis. En prenant les rênes de la revue NRF, il espère transmettre son désir de l’écrit, croise Mario Vargas Llosa. De reportages en portraits, il part en Égypte, en Asie, aux États-Unis, en Amérique du Sud, comme pour relever le pari rimbaldien du « je » qui est un autre.
Face à l’énigme de l’existence, il peut rester la mélancolie ; et l’écriture. Ce nouveau volet des mémoires de Michel Braudeau, qui suit Place des Vosges et Rue de Beaune, est à découvrir absolument.