Après que nous avons longtemps vécu de
formules, la réalité nous redevient aujourd'hui
visible. Un monde de qualités, de figures et
d'événements. Le monde de la chose. Tout dépend
de notre capacité à nous ouvrir pleinement aux
choses, en les contemplant, les sentant, les saisissant,
et de notre capacité à réellement rencontrer le monde,
par la connaissance, l'évaluation, la décision, l'action
et la création. Mais si les systèmes mécaniques de
concepts s'effondrent, nous pouvons craindre de nous
perdre dans la profusion des choses. Il importe certes
de se débarrasser du système mécanique qui nous
éloigne de la réalité, mais surtout de découvrir son
équivalent plus noble et vivant : le sens du charnel.
À condition d'être comprise en toute sa profondeur,
l'idée de polarité peut y parvenir. Grâce à elle, le réel
devient pour nous un espace habité par une profusion
de figures de sens que nous pouvons nous approprier,
sans pour autant nous y égarer.
À côté de ses écrits théologiques et spirituels,
Romano Guardini (1885-1968) a laissé une
importante oeuvre philosophique qu'on redécouvre
aujourd'hui. Lui-même n'a cessé d'affirmer que son
esquisse d'une philosophie du vivant-concret, dont on
trouve ici la première traduction en langue française,
est la meilleure introduction au coeur de sa pensée.
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