« Hommes de l'avenir souvenez-vous de moi... » Il boit, Guillaume Apollinaire, un alcool brûlant comme sa vie, réalise, inépuisable, le mariage de l'ancien et du futur. Et cet homme prodige n'est pas seul en un temps où l'aventure est permanente. Il y a Max Jacob, de Saint Matorel au Cornet à dés, du Laboratoire central à Morven le Gaëlique. Époque de géants, époque écrasante. Mais nous dirons ce méconnu qui se nomme André Salmon, celui qui fait fulgurer l'épopée nouvelle. Nous nous arrêterons à l'inventeur de son nom, Blaise Cendrars, qui va du monde entier au coeur du monde.
Des hommes font éclater nos chapitres. Ainsi ce Jean Cocteau, cet agaçant Protée, mais qui, du Cap de Bonne-Espérance à Léone, de la Crucifixion au Requiem jusqu'à son Credo, va retirer un à un ses masques et nous étonner d'une autre manière qu'on ne le croit. Nous prétendons que Léon-Paul Fargue, par-delà les anecdotes, est un des plus grands : lire Haute Solitude ou Vulturne pour s'en convaincre. Et Pierre Reverdy ? Partant de l'angoisse et de la nostalgie, recherchant une nouvelle réalité, il ouvre grand les portes d'un monde nouveau. Quant au « Pyrogène » d'Apollinaire, Pierre Albert-Birot, inventeur du poème qui est architecture de pensée, il semble tout découvrir avant les autres.
Il faut faire un retour en arrière pour trouver les tentatives des avant-gardes. Qui se souvient de l'intégralisme de Lacuzon, de l'impulsionnisme au dynamisme d'une dizaine d'écoles en « isme » ? Le synchronisme, le dramatisme, le simultanéisme. Et Marinetti et le grand soleil futuriste. On fait le point de ces incessantes recherches.
Mais nous voici à Zürich au cabaret Voltaire, avec ce nouveau-venu nommé Dada qui franchit aisément toutes les frontières. Dada, c'est quoi, Dada ? On tente de le dire. On montre des oeuvres. On s'arrête à Tristan Tzara, de l'Homme approximatif aux Midi gagnés. Pour ce mouvement, puis pour le surréalisme, nous parlons d'événements et d'avènements, de combats, programmes, doctrines, techniques de recherche, itinéraires, conquêtes. Peut-être le dirons-nous mieux en montrant les oeuvres.
Regard donc sur trois précurseurs immédiats : Cravan, Rigaut, Vaché. Et puis André Breton qui sera partout à la fois, cherchant l'or du temps, jetant manifestes et anathèmes, écrivant aussi des oeuvres d'amour fou inoubliables. Mais le plus surréaliste de tous ne serait-il pas ce Benjamin Péret idolâtré ou haï ? Et Soupault le transparent, René Crevel, poète de la mort difficile. « La Vie est de brûler les questions », nous dit Antonin Artaud. Cette oriflamme calcinée, essayons de la rejoindre, s'il se peut.
Ils sont nés du surréalisme, Aragon et Eluard, mais que d'événements, de ruptures ! Leur histoire se mêle à l'Histoire. Des oeuvres, entre l'ouverture des bras à la pureté et le but de vérité pratique, aux dimensions hugoliennes pour le premier, une communication intense pour le second. Et, dans le sillage surréaliste, la réunion de trois maîtres de l'humour corrosif : Robert Desnos qui nous donne le bonjour, Raymond Queneau, ses cosmogonies et ses navigations, Jacques Prévert le copain de la fête.
Venu le temps des grands transparents. Au Grand Jeu, René Daumal et Roger Gilbert-Lecomte, par exemple. Non loin, Michel Leiris, Georges Limbour, Roger Vitrac, Bataille. Et nous allons rejoindre l'immense René Char au soleil des eaux dans une incessante moisson, de Fureur et mystère, des Matinaux à la Parole en archipel ou Commune présence, le Nu perdu, d'autres ouvres majeures. « Un jour, nous dit Henri Michaux, j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers. » Nous le suivrons en pays lointains, au gré des caravelles intérieures dans la plus étonnante expédition qui ait été tentée.
La grande arche du surréel : surréalisme en Belgique, puis tous ceux-là qui se nomment Baron, Alexandre, Massot, Hugnet, Goll, Mano, tant de compagnons surréalistes ou de surréalistes parallèles. Et encore ceux venus d'ailleurs : Chazal, Moro, Heisler, Luca, Henein, Schéhadé, Césaire, Magloire-Saint-Aude. Fondane, Sernet, Voronca, la Femme surréaliste. Et puis ces plasticiens qui écrivirent des poèmes : Arp, Picabia, Dali, Picasso, Duchamp, Chirico... Et les splendeurs du poème en prose ; Blanchard, Gracq, Fardoulis-Lagrange, Solier, Mandiargues, Fourré, Gengenbach, Dheur, Béalu...
L'exploration continue. Le Sud avec Audisio, Brauquier, Delteil, Bousquet, Gros, Toursky, Eydoux, Richaud. Et Lély. Et d'autres...
A la fin de ce volume un « texte de liaison » avec celui qui suivra pour évoquer quelques-uns de ceux que nous avons encore à rencontrer et qu'on ne nous accuse pas trop d'oublis. Il y a encore tant à dire...
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.