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Une des infortunes de la poésie, c'est d'être devenue pour certains poètes (non des moindres) et surtout pour les lecteurs une page imprimée que parcourent les yeux. Or on ne lit pas la poésie du regard : on la respire et on la mange — ou l'on ne fait rien qui vaille. Qui parle ? L'interrogation est redoutable, elle met en cause notre vie secrète jusqu'à des profondeurs si peu connues qu'il ne faudra pas moins des deux dernières parties de cet ouvrage pour suivre nos sentiers dissimulés, au besoin pour exorciser les Sphinx qui prétendent les interdire et nous dévorer si nous insistons. La voix, la parole articulée, le souffle : je n'ai pu faire autrement, traitant de l'âme, que de lui joindre le corps. Elle le porte : sans elle le corps n'est qu'un cadavre ; mais si l'âme a parfois conscience de se promener hors de son corps, elle ne le sait bien qu'une fois rentrée : nous ne la connaissons qu'à la maison. Ame, corps, ces termes, on les dira grossiers et obscurs. D'aucuns ne savent ce qu'est une âme ; mais peut-être savons-nous encore moins qui est notre corps. Il n'importe pour le moment. J'avance. Vous verrez par où je passe. G.G.