Après plus de trente-cinq années de pratique photographique,
et un certain nombre d'écrits qu'il a consacrés tantôt aux photographies
des autres, tantôt à ses propres images, il revenait à Denis
Roche de tracer non pas le bilan, mais le parcours, l'itinéraire, de
la manière la plus chronologique possible, d'un artiste qui va lier
sans cesse, en les approfondissant, l'autobiographie et la réflexion sur
l'acte photographique, le hasard de la prise de vue et l'inconscient
au travail.
Il s'est avéré que la meilleure façon de le faire était de recourir à
l'entretien, d'abord parce que les questions de Gilles Mora étaient
souvent inattendues et, quelquefois, dérangeantes. Ensuite parce
que la parole, ainsi soumise au dialogue, se révèle plus libre et que,
dans sa flexibilité, elle permet de faire sauter quelques verrous, sur
l'intime, par exemple, et son rapport quasi obsessionnel avec la mort,
ou bien encore sur la tentation de ce que Denis Roche lui-même
appelle «la dernière photographie».
On y verra aussi percer, çà et là, l'écho - c'est lui qui le dit -
d'une autre recherche, d'un autre approfondissement, purement
littéraire celui-là, qui serait, lui aussi, interminable.
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