Si le nom de Malebranche est un nom familier des lecteurs philosophes,
celui d'Ollé-Laprune l'est en revanche bien moins. Or ce n'est pas
trop dire que d'affirmer ici l'importance décisive de ce nom dans l'histoire
des études consacrées à la pensée de Malebranche. Léon Ollé-Laprune fit
paraître en effet, sur ce philosophe-ci, la toute première synthèse complète
et détaillée, trois ans après l'avoir présentée au concours de l'Académie
des sciences morales et politiques.
Dans ce second volume, Léon Ollé-Laprune propose à son lecteur un
aperçu précieux sur ce qu'on pourrait appeler la réception de Malebranche
jusqu'au XVIIIe siècle. D'abord, sur ses critiques, d'Antoine Arnauld à
Bayle. Ensuite sur ses disciples, fidèles ou modérés, de l'anglais John Norris
au cardinal Gerdil. Les six derniers chapitres, copieusement développés,
révèlent sans doute le mieux le style propre de l'auteur : que retenir de
Malebranche ?, se demande-t-il alors. Et sa réponse témoigne d'une liberté
de ton, d'une intrépidité qui n'ont rien à envier à la sincérité d'une quête
toute spirituelle. L'idée est de poursuivre le même but que Malebranche,
mais avec des «principes tout à fait opposés» : il s'agit d'honorer les perfections
de Dieu, mais sans donner raison à l'occasionalisme du père de
l'Oratoire, c'est-à-dire à l'idée que les créatures de Dieu seraient sans efficace.
Il en résulte alors d'autres abandons notables, et en particulier celui
de la fameuse théorie de Malebranche de la vision en Dieu : percevoir c'est
agir, se former des notions, procéder par ébauches, pour rejoindre les idées
qui leur répondent en Dieu. «Partout l'activité», proclame Ollé-Laprune :
l'activité en Dieu, mais également en nous ; et entre Dieu et nous, un flux
d'activité qui nous fait sentir Dieu, qui donne «le sens divin» et qui stimule
l'esprit à former des notions. Dans l'histoire de l'accueil réservé à
Malebranche, ce livre est donc aussi un jalon décisif pour comprendre
l'importance de sa philosophie et le rôle qu'elle a joué dans la mise en
avant du sentiment intime. Certes, Malebranche a bien vu que, pour philosopher,
pour bien philosopher, il faut que notre esprit se recueille en lui-même
et se mette à l'étude non des faits extérieurs mais des faits intérieurs.
Mais pour Ollé-Laprune, il convient d'étudier minutieusement son âme, de
l'explorer à fond, et non pas, comme Malebranche, de s'interdire d'entrer,
de séjourner dans l'âme pour la raison qu'elle serait une substance
ténébreuse.
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