La peur
La Pologne de 1945 est sans doute la seule nation d'Europe où l'on dissimule le fait d'avoir sauvé des Juifs durant la guerre. Le pays a alors perdu 90 % des 3,5 millions de Juifs qui y vivaient. Malgré cela, les rares survivants sont accueillis avec animosité à leur retour des camps de concentration ou de leur exil en URSS. L'antisémitisme est très virulent : davantage de Juifs y sont tués après 1945 qu'avant 1939. Et le plus meurtrier des pogroms en temps de paix se déroule dans la ville de Kielce le 4 juillet 1946.
Jan T. Gross tente de comprendre comment cela fut possible. Il reconstitue minutieusement le pogrom de Kielce, en s'appuyant sur des documents d'archives et des témoignages, et étudie les réactions des Polonais témoins du meurtre de leurs concitoyens juifs. Il dissèque les réactions, en particulier au sein de l'intelligentsia, que suscitèrent ces meurtres, ces lapidations publiques. Partant du postulat que l'antisémitisme persistant n'est pas la simple continuation des comportements d'avant-guerre, Gross analyse les positions de la résistance polonaise, de l'Église catholique et des forces liées au régime instauré en Pologne après le conflit. Il s'attaque notamment au mythe du « judéo-communisme » polonais, qui voudrait que les Juifs aient participé à l'instauration du nouveau régime. Ce dernier a au contraire achevé de vider la Pologne de ses derniers Juifs. Depuis plus d'un demi-siècle, la culpabilité et la honte ont entouré le sort des derniers survivants de la Shoah en Pologne. Avec passion mais lucidité, Jan T. Gross fait enfin la lumière sur ces événements.
« On lit La Peur le souffle court, toute notre raison d'être humain nous disant qu'il n'a pas pu en être ainsi - et le livre nous conduit à un choc si violent que même un expert de la tragédie des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ne peut s'en prémunir. »
Elie Wiesel, The Washington Post Book World
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