Solitude. En Manche espagnole ou dans une île déserte au large de l'Orénoque, un roman moderne est né de don Quichotte et de Robinson Crusoé. Servitude. Un manchot captif au bagne, un pamphlétaire exposé devant le pilori font entendre des voix jusqu'alors inattendues. La prison serait-elle une limite où le confinement du lieu s'ouvre aux confins de la création ? La peine a sa littérature et la prison son histoire. Entre l'une et l'autre, une idéologie s'insinue, se forme et s'altère. Il y va d'une représentation qui construit des valeurs (carcérales) et d'institutions qui se cherchent une signification (pénale). Afin de ne pas condamner la littérature aux échos-reflets de la caverne, il importe, avant tout, de ne pas l'enfermer dans ses significations closes et dans son auto-représentation.
Tandis que l'opinion pénitentiaire, au XIXe siècle, a tendance à se figer, le récit romanesque est parcouru d'antinomies. De cellules en prisons d'Etat, de bagnes en colonies de déportation, Sue, Dumas, Stendhal, Hugo, Balzac ou Verne oscillent entre imaginaire criminel et conception pénale. Imaginaire du carnaval et de l'île, au spectacle d'une inversion sociale et géographique ayant pour objet d'isoler les foyers dangereux. Conception raisonnée de grilles anthropologiques ayant pour effet de fixer le crime en niveaux d'aberration pathologique, et non plus selon le vieux partage éthique. Or le roman dit plus qu'il n'est écrit. La peine est, pour longtemps, chagrin. La peine est irréductible à la pénalité.
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