Nommé en 1890 professeur au Havre, Charles Goffic y fait une double expérience : en Normandie il découvre les contrastes insoupçonnés qui existaient entre cette province et sa Bretagne pourtant toute proche : « Normandie et Bretagne qui se touchent sont l’une à l’autre plus étrangères que la Patagonie l’est du Kamtchakan ». Il y connaît cette « rupture révélatrice » qui fit prendre conscience à tant d’écrivains bretons de l’originalité et de la richesse de leur identité provinciale. D’autre part, ce séjour havrais le met en contact avec la colonie des Bretons émigrés — il n’hésite pas à parler d’exode — pour raison économique et qui y sont sans doute plus malheureux que s’ils étaient demeurés chez eux, car déracinés, ils perdent rapidement leur identité bretonne sans réussir à en acquérir une nouvelle.
Il trouve là la trame même de son roman La Payse : exil, déracinement et misère, voilà le fil conducteur de l’existence de la trégoroise Mône Lissillour, de son fiancé breton, émigré comme elle, Hervé Le Gall, et de son amant, chanteur de caf’conc’ sur le retour, alcoolique de surcroît, D’Arvennes. Mais si nous avons là le trio classique d’un vaudeville, c’est une histoire dramatique, qui nous est contée, avec en arrière-fond la crainte que la Bretagne, en s’ouvrant par trop aux modernités d’alors (le roman paraît en 1898), perde son identité et ce qui fait sa force et sa grandeur. Problématique d’ailleurs toujours d’actualité et que l’on peut facilement extrapoler...
Connu et reconnu pour ces recueils de contes traditionnels et de romans régionalistes, Charles Le Goffic (1863-1932) a su prouver un incomparable talent de « metteur en scène » de la Bretagne éternelle.
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