Si aujourd'hui l'Afrique sahélienne passe pour être l'une des régions les plus
pauvres du monde, tel n'a pas toujours été le cas. Jusque dans les années
1930, il n'est pas question d'évaluer les conditions de vie de populations africaines
à l'aune de normes universelles. Il y a alors, entre les sociétés colonisées
et celles qui ne le sont pas, une barrière d'incommensurabilité qui se pose dans
des termes raciaux : Blancs et Noirs ne sauraient avoir les mêmes besoins
biologiques ni les mêmes aspirations sociales. C'est le délitement progressif
de cette barrière dont ce livre s'attache à retracer l'histoire, au Burkina Faso,
au Mali et au Niger, de la fin de la période coloniale à la grande famine des
années 1970.
Quand des administrateurs, des médecins ou des chercheurs se sont-ils mis à
partir dans des villes et des villages sahéliens pour y évaluer la ration calorique,
la mortalité infantile ou les budgets familiaux ? Sur quels critères successifs,
parfois contradictoires, se sont-ils fondés pour mesurer le niveau de vie des
populations ? Comment ces dernières ont-elles appréhendé les investigations
dont elles faisaient l'objet ? À quelles demandes politiques ces nouveaux
savoirs ont-ils répondu, et quels en ont été les différents usages, avant et après
les indépendances ?
Ces questions ne se cantonnent pas à un passé révolu. Elles engagent finalement
la manière dont la mesure de la pauvreté est devenue un outil de gouvernement
en Afrique contemporaine.
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