Ce livre invite à faire l'hypothèse du récit en suivant, dans l'histoire de la littérature française du vingtième siècle, différentes façons de se tenir en rapport avec l'impossible, d'en faire l'improbable relation. Prenant le relais de la poésie, de Gide et Valéry à Beckett et Michon, la prose narrative fait l'expérience d'une réduction ou d'une dénudation des mécanismes de la fiction. Terrain d'expérimentations, le récit - anagramme du mot « écrit » - rend problématique son mode de réception en interrogeant explicitement le fonctionnement de sa voix narrative, le statut des personnages et la nature de la participation qu'ils attendent de leur lecteur. Narration célibataire, le récit s'écrit donc à l'ombre du roman. Lié à un sentiment de perte d'innocence narrative, il joue avec et contre la crédulité que suppose le contrat romanesque. Il fait de la fiction, et de l'impossibilité d'y échapper, le détour pour accéder à une vérité en souffrance.
De cette aventure maintenant achevée, j'ai voulu saisir la dynamique et la richesse. Si la réflexivité d'une écriture se repliant sur elle-même a pu produire un pathos du désoeuvrement, elle a aussi constitué un puissant moteur de renouvellement des pratiques littéraires. Cette passion de l'impossible a donné à la littérature sa définition paradoxale, dont nous sortons aujourd'hui. Rappeler les enjeux d'une telle ambition, c'est faire une autre histoire littéraire du vingtième siècle et éclairer un héritage dont nous devons comprendre la profondeur et la nécessité toujours actuelle.
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