Un poète, en son grand âge, écrit ce qui sera, il le sait, il le veut ainsi, son dernier ouvrage.
Ce livre, il le met en miroir de son tout premier recueil, Ma femme ô mon tombeau (1969), dédié, comme le sera le livre ultime, à celle qui fut dès leur jeunesse son amour unique, et pour la vie, sa compagne, disparue peu d'années auparavant. Et, d'un même mouvement, dédié implicitement à son autre passion, la poésie.
Le propos s'affirme d'emblée, dès le texte liminaire intitulé « Don du poème ». Il y est évoqué une fresque vue sur la paroi d'un tombeau étrusque, à Tarquinies, connue sous le titre de L'offrande de la coupe. Un homme, accompagné d'un adolescent qui joue de la flûte, tend une coupe à une femme, l'épouse, la mère, qui les accueille au seuil de ce tombeau, le sien - le vide, la nuit et la mort traversés et vaincus.
Cette page, reprise d'un ouvrage antérieur, L'invisible parole (1977), prend rétrospectivement dans le contexte de La nuit moins profonde un accent prémonitoire, en même temps qu'une résonnance et une gravité nouvelles, poignantes, qui s'emparent du lecteur : c'est le poète lui-même qui aujourd'hui accomplit ce geste de deuil et d'amour, faisant pour la seconde fois à la disparue l'offrande de son oeuvre et de sa vie même d'un seul tenant. Ainsi se trouve exprimée et comme réfléchie dans cette page ancienne l'architecture, la forme poétique de cet ultime livre. Aux poèmes nouveaux peuvent alors s'ajouter, « vestiges du passé lumineux », des poèmes parfois remaniés du recueil initial devenu inaccessible, dans la continuité d'un unique thrène.
Jean-Pierre Burgart
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