En Angleterre, les pirates se sont multipliés. Forcément, il y a eu
des conflits ; forcément, ces conflits ont parfois pris des allures
de règlements de comptes. Le 21 juin 1966, Reginald Calvert, le
propriétaire de Radio City, est abattu par son rival, Oliver Smedley,
le patron de Radio Atlanta. Cet ultime affrontement entre deux
pirates devait couler par le fond des bateaux qui eurent un rôle
fondamental dans l'émergence de la pop : seules ces radios pirates
offshore offraient à la jeunesse exaltée une musique absente des
ondes de la BBC.
La mort d'un pirate revient sur les origines de la radiodiffusion
pour aborder les raisons profondes de cet événement détonnant.
Dès l'apparition des premiers pirates dans les années 1920
(de simples auditeurs accusés de trafiquer leurs récepteurs), un
combat technologique, économique, culturel et politique s'engage
entre deux camps : ici les défenseurs du monopole d'État
et de la BBC, respectueux de la propriété intellectuelle et soucieux
d'instruire le peuple par les ondes ; là les féroces militants
du laissez-faire financier, partisans des radios commerciales et de
la liberté. Oliver Smedley et Reginald Calvert avaient choisi leur
camp. Mais Radio City avait un avantage. Elle émettait depuis des
anciens forts militaires, vestiges de la Seconde Guerre mondiale
perdus dans les brumes de la mer du Nord : Shivering Sands...
Avec l'expertise de l'historien et la plume d'un auteur de polar,
Adrian Johns mène l'enquête et nous confronte aux interrogations
soulevées par une société de l'information aujourd'hui devenue
numérique : la légitimité des pratiques populaires, la liberté d'expression
et de création, l'exercice de la démocratie, l'économie
du droit d'auteur. Autant de questions qu'il adresse aux pirates
modernes comme aux décideurs politiques.
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