L’abbé Bethléem est un peu connu en histoire littéraire pour avoir publié en 1904 un brûlot, Romans à lire et romans à proscrire, futur best-seller qui fit le tour du monde. Mais la force de frappe de son magazine culturel, la Revue des Lectures, qui parvint à s’imposer dans l’entre-deux-guerres auprès de la NRF, de la Revue des Deux Mondes ou du Mercure de France, l’est beaucoup moins. Ce grand intellectuel catholique, soutenu par le Saint-Siège, fut aussi la bête noire des surréalistes qui refusaient ses oukases. Après sa mort, il inspira la loi du 16 juillet 1949 relative aux publications destinées à la jeunesse qui allait servir à empêcher les jeunes éditeurs Pauvert, Losfeld ou Tchou, voire Régine Deforges, de publier Sade et les auteurs maintenus dans l’Enfer de la Bibliothèque nationale.
Jean-Yves Mollier raconte avec brio l’histoire de l’abbé Bethléem dont la mission fut de mettre au pas les écrivains au XXe siècle, y compris catholiques, pour les contraindre à respecter les lois relatives à la défense des bonnes mœurs. Pour l’Église catholique qui s’était sentie menacée dans ses certitudes et ses croyances au moment de l’irruption de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, l’heure avait sonné de reconquérir les âmes perdues et de traquer le Mal partout où il se cachait. L’abbé Bethléem s’attaqua d’abord au roman, puis au théâtre, à l’opéra, à la bande dessinée, à l’annonce publicitaire et enfin au maillot de bain féminin, pourtant encore très éloigné du sulfureux bikini de l’après-Seconde-Guerre mondiale.
Fondé sur un important dépouillement d’archives et de journaux du XXe siècle, voici un ouvrage édifiant qui montre que la censure, toujours présente au XXIe siècle, et qui demeure le refuge de tous les extrémismes, doit sans doute beaucoup à l’abbé Bethléem, et, au-delà de sa forte personnalité, à l’Église catholique.
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