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Qu’est-ce que la philosophie ? Cette question, chaque génération de philosophes débutants doit se la poser. Mais, comme les réponses théoriques divergent trop pour convaincre, il vaut mieux se demander comment se pratique la philosophie. Et de ce point de vue, les choses s’éclairent. En trois directions. D’abord, on ne peut, au contraire des sciences positives, pratiquer la philosophie sans pratiquer, en profondeur, l’histoire de la philosophie, dans ses textes et selon ses langues : pour atteindre les choses mêmes, il faut les voir, et on ne peut rien voir si l’on manque des mots pour le dire. Ces mots, encore faut-il les apprendre. Ensuite, ces mots pour voir, ont pris, pendant plusieurs siècles, une figure dominante devenue un standard sous le titre de métaphysique. Cette figure a une origine, une constitution, des principes et, elle le proclame elle-même, des limites. A l’intérieur de ces limites elle triomphe toujours, et encore aujourd’hui. Mais, en vertu de ces limites, elle ne comprend que ce qu’elle rend objectif, que ce qu’elle parvient à constituer comme un objet. Or nous savons par expérience pouvoir connaître des choses qui ne se réduisent pas en objets. Nous sommes entrés dans de nouveaux espaces. A la fin, pour les explorer, il faut donc doubler et dedoubler la métaphysique. En fait, la philosophie vraiment créative ne pense plus, au moins depuis Nietzsche et Heidegger, dans les limites de la pure métaphysique – même si elle n’en a pas toujours une claire conscience. Fixer les modes d’une pratique post-métaphysique de la philosophie, la phénoménologie l’a déjà entrepris. A condition de redoubler aussi la phénoménologie elle-même. J.-L. M.