La race a une histoire, qui renvoie à l'histoire de la
différence sexuelle. Au XVIIe siècle, les discours médicaux
affligent le corps des femmes de mille maux : «suffocation
de la matrice», «hystérie», «fureur utérine»,
etc. La conception du corps des femmes comme un
corps malade justifie efficacement l'inégalité des sexes.
Le sain et le malsain fonctionnent comme des catégories
de pouvoir. Aux Amériques, les premiers naturalistes
prennent alors modèle sur la différence sexuelle pour
élaborer le concept de «race» : les indiens Caraïbes ou
les esclaves déportés seraient des populations au tempérament
pathogène, efféminé et faible.
Ce sont ces articulations entre le genre, la sexualité
et la race, et leur rôle central dans la formation de la Nation
française moderne qu'analyse Elsa Dorlin, au croisement
de la philosophie politique, de l'histoire de la
médecine et des études sur le genre. L'auteure montre
comment on est passé de la définition d'un «tempérament
de sexe» à celle d'un «tempérament de race».
La Nation prend littéralement corps dans le modèle
féminin de la «mère», blanche, saine et maternelle,
opposée aux figures d'une féminité «dégénérée» - la
sorcière, la vaporeuse, la vivandière hommasse, la
nymphomane, la tribade et l'esclave africaine. Il apparaît
ainsi que le sexe et la race participent d'une même
matrice au moment où la Nation française s'engage
dans l'esclavage et la colonisation.
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