Il n'est pas nécessaire, pour connaître la condition du banni, d'être chassé au loin, il suffit de tomber de quatre étages, d'être chassé de la maison-tanière où l'on a vécu près de quarante ans, et où l'on s'attendait à mourir. Arraché à ses rites et à ses ombres, on n'est plus qu'un naufragé sans espérance.
Pour un écrivain, l'épreuve est encore plus rude : il n'avait jamais pu écrire ailleurs que devant une fenêtre perchée sur les toits. L'adieu aux aîtres est également un adieu aux livres. La plume est bloquée à jamais.
Jusqu'au jour où, deux ans après ce coup sur la tête, pour secouer cette mélancolie dangereuse qui le détruit peu à peu, il tente de récrire, comme un invalide, arrachant ligne après ligne aux pesanteurs de la loi d'exil.
La vie a repris, vaille que vaille, un peu d'air y pénètre grâce à cette médication de l'écriture. Quand le livre est achevé, l'écrivain est redevenu presque libre.
Reste que la vieillesse s'était glissée parmi les caisses du déménagement : c'est elle qu'il faudra, "à l'avenir" (mot de dérision), affronter.
Voici un récit sobre et sans complaisance. L'insouciance d'une vie se paie au dernier guichet.
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