David Rousset, Charlotte Delbo, Jean Cayrol, Etty Hillesum, Piotr Rawicz,
Jean Améry, Imre Kertész, Georges-Arthur Goldschmidt, Aharon Appelfeld...
Ces auteurs ont été soumis à une monstruosité systématique : celle des
camps nazis, celle de la «destruction des Juifs d'Europe», qui, lorsqu'elle
n'annihilait pas sur-le-champ les corps, étouffait tout foyer de pensée et de
parole. Contre cet écrasement, Catherine Coquio lit dans les textes l'âpre
combat de leurs auteurs pour saisir ce qui excédait toute «expérience»,
ce qui jamais ne se laisserait ramener à un moment de leur passé.
Pour ces oeuvres irremplaçables, ce grand livre se fait tout d'attention
et de pensée. Il lui faut aussi revenir sur l'histoire des «paradigmes» qui
se sont formés au sujet du témoignage, et défaire les présupposés qui, trop
souvent, nous ont rendus aveugles à ce qui s'était déroulé ailleurs, dans l'Est
de l'Europe et en URSS.
À déchiffrer les récits et fables des revenants des camps à côté des
textes de la «Khurbn Literatur» et de la «Littérature des ravins», une vaste et
indomptable interrogation se déploie : qu'est-il arrivé à la culture en Europe
et à ce qui, édifié au fil des siècles en tant que «littérature», se trouva, sous
le coup d'événements démesurés, non pas annulé mais (selon la formule
d'Imre Kertész) «mis en suspens» ?
Catherine Coquio sait nous rendre contemporaines - si lointaines, si
proches - ces voix qui ne cesseront plus de nous accompagner. Ainsi le bouleversant
dernier chapitre nous fait-il entendre, et pour jamais, les timides
et lucides paroles de ces enfants qui vont disparaître : «Moi, petite créature,
écrit Hanus Hachenburg, je demande au monde l'aumône... pour qu'il ne
me brûle pas de son brasier ardent...»
Claude Mouchard
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