La cause de la justice française semble désormais entendue : elle est aujourd'hui
«en crise». «L'affaire Outreau» aura porté un coup final à une longue suite
de rapports, chiffres et palmarès qui forment un inventaire sans concession
des multiples «lenteurs», «archaïsmes», «dysfonctionnements» et «erreurs
judiciaires». Cet ouvrage décode ce qui se joue dans cette «crisologie» et dans
l'impératif réformateur qui en découle. Objet pendant longtemps d'une attention
qui débordait rarement les «milieux judiciaires», la justice intéresse en effet
désormais des réformateurs de toutes sortes qui en font un véritable laboratoire
et travaillent à redéfinir le «pouvoir judiciaire», les conditions de sa légitimité
et les missions dont il est investi dans l'espace public.
Fondé sur l'analyse de vingt-cinq années de controverses sur la justice, ce livre,
en retraçant l'histoire de ce «champ réformateur» depuis les années 1980,
montre la formation d'un horizon commun fondé sur un ensemble de standards
de droit («procès équitable») et de gestion («bonnes pratiques» et «qualité de
la justice») qui servent aujourd'hui de point de repère aux différents réformateurs.
Il souligne les transformations qui en découlent : la dépolitisation et la technicité
croissantes des enjeux ; la valorisation d'un modèle de justice où priment
le professionnalisme du magistrat, les garanties procédurales et l'efficacité
managériale aux dépens des formes alternatives de légitimité de la justice fondées
sur l'élection (conseils de prud'hommes, tribunaux de commerce) ou le tirage
au sort (cours d'assises). Il identifie enfin un risque propre à ces mutations qui
est de fragiliser la légitimité politique et sociale de la justice au moment même
où celle-ci est appelée à jouer les premiers rôles.
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