À tout point de vue, La Gonfle est une oeuvre atypique, à la fois par la
lenteur de sa genèse, par sa puissante cohérence dramatique, par
l'originalité de sa facture, par le dynamisme épique de sa gaieté, par sa
richesse humaine enfin, qui la met à cent coudées au-dessus de la farce
traditionnelle.
Il y a ici une tonicité poétique inattendue, qui procède, chez Martin du
Gard, d'une connaissance intuitive des vertus du théâtre.
Andoche est un raconteur d'histoires, mais, d'une anecdote à l'autre,
le ton allègre, la jubilation matoise, la force du verbe en liberté assurent
cohésion et progression efficace. Si nous restons complices du jeu
théâtral, le comique, chemin faisant, change de registre. La Bique et La
Nioule disparues du plateau, l'essentiel apparaît : face aux automatismes,
aux prétentions ridicules, à la vaine vacuité des fantoches, s'impose le
pouvoir de la parole authentique.
En avance sur son temps, La Gonfle a attendu près de trois quarts de
siècle que des comédiens soient à même de répondre à l'attente d'un
public nouveau. Andoche, cette «âme forte» que Giono appréciait,
annonce les entreprises hardies des dramaturges et metteurs en scène de
la seconde moitié du XXe siècle. Courage à ceux qui, désormais,
l'incarnent ! L'entreprise est moins difficile qu'il n'y paraît, tant le texte
est porteur de plaisir.
Andoche, avec son coeur, son humour, sa sagesse tolérante, nous
réconcilie avec la vie. Cette sombre histoire s'achève, après tout, sur un
enfant sauvé.
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