Au cours des années soixante-dix, deux systèmes de représentations ont
paru dominer le champ médico-psychologique : celui d'une psychiatrie
sociale qui, s'arrachant au ghetto asilaire, allait épouser enfin son siècle ;
celui d'une psychanalyse qui proposait un modèle indépassable d'exploration
du sujet.
Pendant que ces débats bruyants occupaient le devant de la scène, de
nouvelles technologies s'installaient et prenaient date. Que nous
entrions, d'une certaine manière, dans l'après-psychiatrie et dans l'après-psychanalyse
ne signifie évidemment pas que les pratiques qu'elles
inspirent encore soient périmées ou dépassées. Mais elles sont entrées
en crise, leur systématicité se fissure, l'imaginaire qui les supportait s'affaisse,
et leur apport est désormais banalisé au sein d'une nouvelle configuration
qu'elles ont cessé de maîtriser. La psychiatrie rentre dans le
giron de la médecine et la psychanalyse se noie au sein d'une culture
psychologique généralisée qu'elle a contribué à promouvoir.
Un réseau beaucoup plus complexe d'activités d'expertises, d'évaluations,
d'assignations et de distribution des populations, mais aussi de
travail sur la normalité est maintenant à décrire. Il représente une nouvelle
formule de gestion du social organisé autour d'un pôle centralisé de
prévention des risques et d'un pôle apparemment convivial de prise en
charge des fragilités. À la limite, un couple fonctionnel informatisation-psychologisation.
L'ordre post-disciplinaire qu'il dessine passe moins par
l'imposition des contraintes que par la programmation de l'efficience.
Une subjectivité travaillée par les nouvelles psycho-technologies n'a plus
d'autre objectif que sa propre culture et se trouve de ce fait disponible
pour toutes les planifications technocratiques. C'est sans doute le nouveau
plan de gouvernementalité néolibéral qui se dessine ainsi.
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