S’il est une question vitale entre toutes, c’est bien celle de la religion. Haute et profonde elle englobe les vies, tant des individus que des nations. Entre elle et la science s’est engagée une lutte qui sévit encore ; lutte inflexible, mais souterraine le plus souvent, et silencieuse.
La genèse des religions a une importance plus grande que toute autre question historique : ce n’est pas seulement la vérité de faits et d’événements passés qui s’y trouve engagée, c’est la valeur de nos idées et de nos croyances actuelles. Chacun de nous a quelque chose en jeu dans ce débat. Les raisons qui ont jadis produit une croyance sont encore le plus souvent celles qui la maintiennent de nos jours ; se rendre compte de ces raisons, c’est donc, sans le vouloir, porter un jugement favorable ou défavorable sur la croyance elle-même....
Nous sommes aujourd’hui portés à voir surtout dans la religion la morale, depuis que Kant a fait de l’éthique le but et l’unique fondement de toute véritable idée de Dieu. Il n’en était point ainsi à l’origine. La religion a été d’abord une explication physique des événements, surtout des événements heureux ou terribles pour l’homme, au moyen de causes agissant pour une fin, comme la volonté humaine : c’était donc à la fois une explication par les causes efficientes proprement dites et par les causes finales : la théologie a été un développement de la téléologie primitive. L’homme s’est placé, par l’imagination, en société avec des êtres bienfaisants ou malfaisants, d’abord visibles et tangibles, puis de plus en plus invisibles et séparés des objets qu’ils hantent : voilà, avons-nous dit, le début de la religion...
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