La galerie des reptiles est fermée à l'heure du déjeuner est une autre façon
de signifier l'injonction du Circulez, il n'y a rien à voir par laquelle la
Police conseille aux badauds trop curieux d'abandonner leurs quêtes et enquêtes.
Pour les pouvoirs autoritaires, le secret est une nécessité et d'autant plus lorsqu'il
s'agit de la gestion de populations qu'on va priver de leurs territoires et de leurs
ressources ou d'une accumulation toujours plus grande et plus sauvage, d'avoirs
financiers. Mais ce secret est d'autant plus occulté qu'il est masqué par le leurre d'une
exhibition permanente qui transforme les citoyens en voyeurs et en proies, quitte à
augmenter la férocité du cannibalisme ambiant pour maintenir l'excitation.
C'est sur ce paradoxe qu'est construit ce recueil de nouvelles qui dépeint la société
contemporaine dans laquelle la Grande Dévoration est plus que jamais à l'oeuvre. Il
repose sur le point aveugle du fétiche qui déclenche la transe de l'amant renvoyant dos
à dos, les deux formes complémentaires de l'aliénation des femmes : le voile qu'on
leur impose pour les assujettir solidement et la pornographie dans laquelle on les noie
pour les faire disparaître, l'autre moitié de l'espèce occupant dans un cas comme dans
l'autre la totalité de l'espace et rendant impossible toute réorganisation efficace du
système économique.
C'est au vitriol et à la hache que l'auteure pratique dans ce livre, la critique sociale.
Professeure émérite, c'est par la littérature que Jeanne Hyvrard continue à exercer son
métier d'économiste et de juriste. Ses vingt cinq livres aujourd'hui publiés des deux
côtés de l'Atlantique constituent tous ensemble une oeuvre littéraire qui à l'heure où la
mode est à l'euthanasie, pourrait globalement s'appeler La prière aux Agonisants.
Mais c'est aussi un traité d'Économie Politique dont les tomes peuvent se lire ensemble
ou séparément car dans cette société française dogmatique et sclérosée, ce sont les
fictions, poèmes, nouvelles, chansons de gestes, récits, journaux qui lui ont permis de
prendre en compte la Révolution Cybernétique qui bouleverse les concepts de la
discipline dont elle a eu la charge.
Au centre du dispositif désormais, il y a la Grande Machine tandis que la matière
vivante en voie d'effritement et de recomposition est rejetée au pourtour. La
globalisation s'accompagne d'une révolution copernicienne de l'ontologie. C'est cette
métamorphose que l'auteure s'est efforcée de penser depuis plus de trente ans, tout en
menant de front ses vies professionnelle, littéraire, familiale et artistique.
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