Qui est S. ? Une sensation aussi démesurée que l'univers en
expansion ? Les atomes d'une joie retrouvée ? «Une Apocalypse
heureuse qui vient sourire à ceux dont la bouche attend d'être
fendue», comme le dit l'auteur ? Tout cela, mais aussi : la perception
de la grâce.
Car dans ces pages aux climats troubles et vivifiants, le narrateur
donne à voir un Éden halluciné et traduit avec un humour
pétulant la démence de lieux hantés par l'effondrement, l'oubli
et la fuite hors du temps.
Du sein du magma qu'agitent anges et diables, un verbe souverain
fait surgir des archipels inattendus. On y joue la Messe
en si. On y voit apparaître des grands hommes (Nestôr, Étienne
Jodelle et Alexander von Humboldt, le Baron perché et le Chevalier
inexistant de Calvino), des villes géantes coiffées d'un bol,
des animaux fabuleux à côté de petits campagnols, l'Autorité des
Marchés Financiers au bras de la Faillite. Ce n'est qu'en quittant
des ports devenus trop étroits qu'il est permis d'aborder de nouveaux
rivages. Alors, embarquez !
Pierre Lafargue poursuit avec cette fiction l'exploration de mondes
imaginaires commencée avec Mélancolique hommage à
Monsieur de Saint-Simon et marquée notamment par le Sermon
sur les imbéciles. Sa prose est comme une montagne solitaire
entourée de vents violents. Elle déploie des armes subtiles pour
faire entendre les spirales de voix qui s'entrecroisent (personnages,
récits et légendes prolifèrent), provoquant une contagion
physique au-delà de tout simulacre.
Conjointement publiés aux éditions vagabonde, La Fureur et Le
Jeu de la bague nous rappellent que le geste littéraire n'a rien
d'inoffensif : celui qui le reçoit, s'y blesse.
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