Dans le jazz, c'est-à-dire à la fois dans les musiques que ce vocable recouvre, dans les usages qui sont faits du terme et dans les projections dont il est le prétexte, se combinent la modernité technique et la spontanéité primitive, l'individualisme et la communauté, la décence pompeuse (Whiteman) et la sensualité débridée (Joséphine Baker), l'Amérique et l'Afrique. Le livre de Denis-Constant Martin et d'Olivier Roueff n'est pas qu'une nouvelle histoire des débuts du jazz en France car, une fois tracée l'histoire de son implantation, de ses bourgeonnements et de son influence sur les musiques populaires en France, il se penche sur les manières de s'approprier sa puissance d'évocation, à travers la diversité et les contradictions des discours qu'il a suscités et qui ont marqué les premiers pas de sa vie dans notre pays.
En effet, le jazz, dès son arrivée en France, est devenu un langage utile pour parler d'autre chose. La musique afro-américaine, érigée en enjeu des années vingt aux années cinquante, est prise dans des débats qui ne la concernent pas mais contribuent à lui donner ses formes : le jazz sert à parler de la France qui se cherche en ces moments ambigus des sorties des deux guerres mondiales et des débuts de la décolonisation. Son métissage, ses évolutions, que certains acceptent difficilement ou refusent carrément, en font un véhicule approprié pour disputer de problèmes essentiels : l'identité et la modernité, les rapports qu'elles entretiennent. En annexe, un grand nombre d'articles parus dans des journaux ou revues françaises entre 1918 et 1931 (donc parmi les premiers qui évoquèrent le jazz) sont à nouveau rendus accessibles au public.
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