Ce dialogue met aux prises Socrate avec Critias, sophiste et tyran à la fois, et se situe au début de la guerre du Péloponnèse, une guerre fratricide et désastreuse où la puissance d’Athènes chancelle et où l’unité du monde grec est à jamais perdue. C’est sur fond de folie et de démesure qu’ils s’entretiennent de la modération. Il est urgent alors d’interroger cette vertu de l’ordre et ces attitudes qui passent pour civilisées – agir posément, savoir se retenir – de critiquer cette sorte de sagesse morale et politique ambivalente. Rester tranquille et s’occuper de ses affaires, est-ce inertie ou réflexion prudente ? Quand tout le comportement de Socrate est à l’inverse de cette modération-là et quand il est impossible de bien faire si on ignore le bien qu’on fait, alors il faut déchiffrer l’énigme de la prescription delphique : « connais-toi toi-même ». La vertu chez Platon s’accompagne d’intelligence ; l’interrogation sur la modération est essentielle quand le nom de sophrosunè signifie « sauvegarde de l’intelligence ». Le Charmide est sans doute le dialogue où la rivalité entre le philosophe et le sophiste est à son comble sur des questions que l’horizon de la guerre rend exceptionnellement aiguës. Dans un monde en perdition, où est le salut ? Dans un monde près d’éclater, où est l’unité ? Dans un monde plein de conflits, qui a la puissance ?
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