«Je priais pour ne pas tomber en panne au milieu de la taïga en
pleine nuit et pour ne pas croiser de pirates de la route. J'étais préparé
pour la première éventualité, mais pas pour la seconde. Je devais être
l'unique fou qui traversait ce terrible océan de terre ferme sans arme,
et seul en plus.»
Durant des années, il y avait eu dans le journal des Jeunesses
communistes un feuilleton décrivant ce que serait la Russie
merveilleuse du XXIe siècle. À présent que nous y sommes,
Jacek Hugo-Bader a décidé de parcourir en jeep, en plein hiver,
l'immense empire déglingué qu'est devenue cette terre d'utopie. Parti
de Moscou, il vise Vladivostok et veut surtout explorer la Sibérie.
Davantage que les ruines d'un régime, ce sont les êtres qui intéressent
le reporter polonais. À travers des chemins qui pullulent de bandits
armés ou d'agents d'une sorte de kleptocratie généralisée, il gagne
des villes et des villages que l'alcool a mis à genoux. C'est ainsi un
voyage en grande tragédie, et s'il n'est pas dénué d'humour, il est le
plus noir qu'on puisse imaginer : Hugo-Bader nous conduit chez les
exclus de l'ère Poutine, les rappeurs, les sans-abri, les malades du
sida, les éleveurs de rennes, les chamanes, les mineurs, les anciens
hippies rescapés des asiles ou les victimes du trafic d'organes. Les
seules personnes qui, durant ce périple de plusieurs mois, lui auront
montré un visage franchement joyeux sont les adeptes de Vissarion,
«l'un des six Christ russes». La fièvre blanche est le nom que l'on
donne à la transe hallucinée qui succède à l'ivresse.
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