Les cadres passent pour les «compétitifs» de
l'économie moderne, ceux à qui le capitalisme
promet l'accomplissement et la réalisation de soi.
Pourtant, ces hommes et ces femmes dont
l'entreprise attend dévouement et solidarité, donnent
aujourd'hui le sentiment de ne plus y croire. Ils ne
s'identifient plus aussi facilement au destin de leur
société, cherchent à se dérober aux pressions de leur
environnement, voire adhèrent aux critiques les plus
frontales du nouvel ordre économique. Bref, ils
commencent à «jouer contre», eux dont on croyait
qu'ils joueraient toujours «avec». Le spectre d'une
«révolte des cadres», hier encore inimaginable,
entre peu à peu dans l'ordre du pensable. On se
prend à imaginer que le désordre social ne surgisse
pas d'une mobilisation des «petits» contre le
capitalisme, mais du coeur même de ses élites.
Ce serait là le tribut paradoxal d'une révolution des
organisations qui, en consacrant la domination de
l'actionnaire et du client, a progressivement privé
d'autonomie et de protection ceux-là mêmes dont elle
prétendait faire ses messagers auprès des autres
salariés.
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