Cet ouvrage tente de renouveler la lecture de Rousseau en interrogeant
la façon dont il constitue ses propres thèses. Décrire ce qu'on peut appeler
son laboratoire, la fabrique de ses idées, permet de cerner ce qu'est pour
lui «raisonner en philosophe» (une attention soutenue est pour cela
accordée aux brouillons, qui donnent à voir le travail de la pensée, et à la
succession des textes sur une même question, qui en porte les effets).
La problématique de l'invention conceptuelle ordonne cette enquête,
parce que Rousseau constitue ses orientations essentielles en remaniant,
déplaçant, transformant les concepts qu'il reçoit des traditions théoriques
auxquelles il entend se confronter, en formant ceux que la constitution de
son propre horizon de pensée requiert. Chaque chapitre est ainsi
consacré à un concept déterminé.
Après avoir souligné la place occupée chez lui par les référents
conceptuels scientifiques, particulièrement chimiques, on montre que
Rousseau, usant d'une véritable technique de l'héritage paradoxal, se
situe dans une relation d'écart central avec les courants dominants du
siècle des Lumières. L'examen circonstancié de l'invention du concept de
volonté générale permet de croiser les résultats ainsi obtenus et de
caractériser la méthode d'invention de Rousseau.
On montre enfin que la réflexion conduite par toute l'oeuvre sur le
statut anthropologique, cognitif, politique, de la généralité éclaire la
problématique de la volonté générale. Au cours de cette étude, on est
conduit à lever la double hypothèque constituée, dans l'historiographie
rousseauiste, par la surévaluation des références à Malebranche, en
amont, et à Kant, en aval.
On souligne enfin en quoi cette mise en lumière des voies suivies par
l'invention conceptuelle doit modifier notre compréhension des
orientations de pensée de Rousseau.
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