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Hérodote raconte que, d'après une vieille tradition égyptienne, Pâris aurait été poussé par les vents contraires à l'embouchure du Nil, y aurait abordé avec Hélène, ravie à son époux Ménélas, et que Protée, roi de ce pays, renvoyant avec mépris celui qui avait commis le crime d'enlever la femme et les trésors de son hôte, les aurait gardés pour les rendre à leur possesseur légitime, quand il viendrait les réclamer. Les dieux auraient substitué, dans les murs de Pergame, à Hélène son fantôme, son double. Ainsi, les Grecs et les Troyens auraient, pendant dix années, répandu inépuisablement leur sang pour une apparence illusoire, suscitée par les dieux afin de tromper les humains, dont la multiplication leur semblait excessive et menaçante. Homère connaissait cette légende. Euripide en a tiré une tragédie. Il y a, là-dessus, à rêver longuement, surtout quand on appartient à une génération qui a subi deux guerres impitoyables, souffert des maux comparables à ceux des héros d'Euripide, qui les surpassent même en horreur, et pour des causes dont l'extrême confusion, si l'on ne se contente pas de lieux communs, décourage tout essai de lucidité. Je n'ai pas résisté à cette sollicitation de songe érotique, guerrier, barbare et subtil ; j'ai voulu m'en pénétrer et m'en délivrer par l'écriture. Qu'on ne cherche pas ici, surtout, une traduction de l'œuvre d'Euripide, même infidèle, ni même une adaptation, si libre soit-elle, ni même une tragédie. Comédie inspirée de… trahirait moins mon dessein et son résultat. J'ai supprimé des personnages, j'en ai développé d'autres, comme Teucer et le soldat, au-delà des limites raisonnables. Bien plus, j'ai inventé de toutes pièces, j'ai prêté à Hélène et à Ménélas des sentiments, qui eussent sans doute scandalisé les Grecs. Qu'on me pardonne ces impardonnables sacrilèges, dont j'avoue n'éprouver que de légers remords, et ne pas rougir avec une assez décente hypocrisie. A. A.