«Dantesque» est devenu synonyme d'infernal. Les guerres sont «dantesques», les camps d'extermination aussi, les catastrophes naturelles ou les accidents sanglants... Tout se passe comme s'il fallait maintenir Dante en enfer. Curieuse obsession, qui exclut la possibilité même d'un purgatoire ou d'un paradis, alors qu'ils sont désormais là, à portée de main. Il faut rouvrir aujourd'hui La Divine Comédie.
Les temps modernes nous cachaient Dante ; l'ère planétaire où nous sommes entrés le fait revenir dans toute son actualité. C'est l'idée qu'avance Philippe Sollers dans les entretiens qui constituent ce livre. Mais encore faut-il s'entendre sur les œuvres ou les pensées qui préludent à ce retour... Dialogue tendu, cette nouvelle Comédie se déploie de cercles infernaux en ciels paradisiaques, en passant par les corniches du purgatoire : y apparaissent Rimbaud, Apollinaire, Proust, Bataille, Heidegger, Bacon et Picasso, mais aussi Péguy, Simone Weil, Matisse ou Cézanne, Bach et Mozart, sans oublier le pape Jean Paul II. Chaque figure vient à son heure demander qu'on lui prète oreille et nous donner sa clé.
La Divine Comédie peut alors être entendue et nous livrer toutes ses richesses. L'histoire entière est convoquée, avant le Jugement dernier, au tribunal de la justice et de l'amour. Les acteurs sont là, princes et ministres, papes coupables et martyrs, prostituées et bienheureuses, assassins et poètes - et nous aussi, lecteurs, perdus que nous sommes dans la forêt obscure. L'amour mène la danse. Libre à chacun de l'accepter ou de le refuser, de rester en enfer ou d'accéder au paradis.
Philippe Sollers est écrivain et directeur de la revue L'Infini, aux éditions Gallimard.
Benoît Chantre est directeur littéraire aux éditions Desclée de Brouwer.
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