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14 février 1956 : devant le XXe Congrès du P.C. d’Union Soviétique réuni à huis clos, Khrouchtchev dénonce avec force les « erreurs » et les « crimes » de Staline. La déstalinisation est engagée. Ainsi, à peine trois ans après la mort du « guide génial », les délégués apprennent avec stupeur la falsification des grands procès, les machinations policières, les faux aveux obtenus par la torture, l’épuration systématique des cadres du parti, de l’armée et de l’industrie, la déportation massive de citoyens soviétiques innocents... L’Allemagne post-hitlérienne avait choisi d’exorciser ses démons en « imposant » le silence à la mémoire collective. Les successeurs de Staline ont opté pour la solution opposée. S’ils l’ont fait pour des raisons multiples, dont l’attachement à leur sauvegarde personnelle n’était pas la moindre, ils ont cependant ouvert les portes à une révision de tout le système. Avec la dénonciation du stalinisme commence une période de libéralisation relative : des victimes sont réhabilitées, des déportés rentrent chez eux et la littérature est autorisée à refléter la réalité de la vie quotidienne ainsi que la vérité des camps (Une journée d’Ivan Denissovitch, de Soljenitsyne). Période lors de laquelle se bousculent espoirs et désarrois, la déstalinisation sera, par-dessus tout, le temps où le peuple soviétique, la mémoire rendue, part à la conquête de la vérité. Hélène Carrère d’Encausse montre comment, derrière la révolution politique qui ébranlera tout l’Est européen et le système communiste mondial, il y a la volonté d’un homme : Khrouchtchev. Personnage apparemment fruste et peu préparé à la conduite d’un tel bouleversement, celui-ci pressent néanmoins l’absolue nécessité de la tâche qu’il entreprend. Il cherche tout à la fois à assurer un pouvoir personnel « non stalinien » et à aménager le système soviétique pour le rendre non menaçant aux hommes politiques, acceptable à la société et rationnel dans son fonctionnement. Et pourtant, bien que très souvent justes, les intuitions de Khrouchtchev débouchent, en 1964, sur un formidable échec. Pourquoi ? Le caractère équivoque de la déstalinisation tient sans doute à l’ambiguïté du problème posé, celui du « changement ». Khrouchtchev pouvait-il aller plus loin — ainsi que le désiraient ardemment les intellectuels — sans remettre en cause les fondements même du système soviétique ? Moment essentiel du XXe siècle, la déstalinisation aura été un événement pivot dans l’histoire du monde communiste, et son récit permet à Hélène Carrère d’Encausse de nous donner une brillante analyse des problèmes touchant le pouvoir — et sa succession — dans un système totalitaire. Question : peut-on aménager un totalitarisme sans le détruire ?