Gustave Le Rouge (1867-1938)
"C’était quelques semaines avant la déclaration de guerre. Deux croiseurs anglais venaient d’entrer dans le port de Boulogne-sur-Mer. Toute la ville était en fête. Le casino et les luxueux hôtels qui l’environnent étaient brillamment illuminés. Sur le port, les cabarets étaient remplis de matelots et de « matelotes ».
Jusqu’à une heure avancée de la nuit, des groupes en goguette répétaient d’une voix sonore des chansons nautiques :
Celui-là n’aura pas du vin dans son bidon ! La Paimpolaise ; La belle frégate, etc., etc.
Des patrouilles d’infanterie, la baïonnette au canon, la jugulaire baissée, tâchaient de mettre un peu d’ordre dans cette joie populaire. Ce n’était pas là une chose commode et, à maintes reprises, ils se heurtaient à des groupes de matelots anglais et français, se tenant fraternellement bras dessus, bras dessous, et chantant à perdre haleine la Marseillaise et le God save the King.
Seulement c’étaient les Anglais qui chantaient la Marseillaise et c’étaient les Français qui braillaient le God save the King, de toute la force de leurs poumons.
Dans le port, la plupart des navires étaient brillamment illuminés. Seul, un yacht d’environ mille tonneaux, ancré un peu à l’écart des autres bâtiments, semblait protester contre l’enthousiasme général. C’était le Nuremberg, propriété d’un millionnaire allemand, le fameux von der Kopper.."
1914, l'Europe est encore en paix mais pour peu de temps. A Boulogne-sur-Mer, le capitaine Marchal, ingénieur travaillant sur le blindage des avions, est amoureux d'Yvonne la fille de son supérieur, le général de Brenoise ; mais il est aussi sous le charme de la belle et riche Anglaise Arabella Willougby. Le reporter de guerre, Robert Delangle, ami du capitaine, se méfie : Arabella ressemble fort à une espionne allemande rencontrée dans les Balkans : la dame noire des frontières...
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