« Aujourd'hui s'avance la croix, la création exulte ;
la croix, chemin des égarés, espoir des chrétiens,
prédication des Apôtres, sécurité de l'univers, fondement
de l'Église, fontaine pour ceux qui ont soif. Aujourd'hui
s'avance la croix et les enfers sont ébranlés. Les mains de
Jésus sont fixées par les clous, et les liens qui attachaient
les morts sont déliés. Aujourd'hui, le sang qui ruisselle
de la croix parvient jusqu'aux tombeaux et fait germer
la vie dans les enfers. Dans une grande douceur, Jésus est
conduit à la Passion, bénissant ses douleurs à toute heure :
il est conduit au jugement de Pilate qui siège au prétoire ;
à la sixième heure on le raille ; jusqu'à la neuvième heure,
il supporte la douleur des clous, puis la mort met fin à sa
Passion. À la douzième heure, il est déposé de la croix : on
dirait un lion qui dort. Alors, il descend aux enfers, désirant voir les justes qui se reposent de leurs fatigues et il
les passe en revue comme un roi regardant son armée au
repos à l'heure de midi. Il dit: "Me voici, je viens." Et toute
l'armée se dresse aussitôt [...].
Désormais, par la croix, les ombres sont dissipées et la
vérité se lève. La mort est dépouillée, l'enfer livre ses captifs,
l'homme est libre, le Seigneur règne, la création est dans la
joie. La croix triomphe et toutes les nations, tribus, langues
et peuples viennent pour l'adorer. Nous trouvons en elle
notre joie avec le bienheureux Paul qui s'écrie: "Loin de moi
la pensée de trouver ma gloire ailleurs que dans la croix de
notre Seigneur." La croix rend la lumière à l'univers entier,
elle chasse les ténèbres et rassemble les nations de l'Occident, du Nord, de la mer et de l'Orient en une seule Église,
une seule foi, un seul baptême dans la charité. Elle se dresse
au centre du monde, fixée sur le calvaire [...].
Armés de la croix, les Apôtres s'en vont prêcher et rassembler dans son adoration tout l'univers, foulant aux pieds toute
puissance hostile. Par elle, les martyrs ont confessé la foi avec
audace et n'ont pas craint les ruses des tyrans. S'en étant
chargés, les moines, dans une immense joie, ont fait de la solitude leur séjour. Cette croix paraîtra lors du retour du Christ,
la première dans le ciel, sceptre précieux, vivant, véritable et
saint du Grand Roi: "Alors, dit le Seigneur, apparaîtra dans le
ciel le signe du Fils de l'homme." Nous la verrons, escortée par
les anges, illuminant la terre, d'un bout de l'univers à l'autre,
plus claire que le soleil, annonçant le jour du Seigneur. »
S. Éphrem le Syrien, cité par J.-R. Bouchet, Lectionnaire
patristique dominicain, Paris, Cerf, 1994, pp. 180-181
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