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« Plus une société est en retard, plus son élite révolutionnaire doit être cultivée, progressiste, consciente de tous les sauts qualitatifs intervenus dans la vie de l’humanité. [...]. Plus une société retarde par rapport à d’autres, plus les buts de la révolution se diversifient et s’approfondissent ; plus l’intellectuel est conscient de ce retard, plus ses responsabilités deviennent lourdes et plus se multiplient les occasions de fuir dans les illusions et les mythes ; plus la révolution s’impose comme totale, plus elle apparaît lointaine et improbable. Telle est bien la situation de l’intellectuel arabe révolutionnaire. Il hérite de tous les combats de la liberté : individuelle, communautaire, nationale, que la bourgeoisie dans l’État national n’a nulle part menés jusqu’à leurs termes. [...]. L’intellectuel arabe a trop longtemps hésité à critiquer radicalement culture, langue et tradition. Il a trop longtemps reculé devant la critique des buts de la politique nationale locale, qui aboutit à l’étouffement de la démocratie et au dualisme généralisé ; il doit critiquer l’économisme superficiel, qui croit moderniser le pays et rationaliser la société en construisant une usine avec l’argent d’autrui, la technologie d’autrui, l’administration d’autrui ; il doit cesser de s’autocensurer lorsqu’il s’agit des problèmes de minorité et de démocratie locale, de peur de mettre en péril une apparente unité nationale. L’intellectuel arabe révolutionnaire a trop longtemps applaudi à l’appel de l’unité arabe, tout en acceptant et parfois justifiant la fragmentation de fait. [...]. L’intellectuel révolutionnaire arabe mène aujourd’hui une vie malheureuse, par-delà ses succès mondains, parce que sa société vit à un rythme infra-historique. Il ne viendra à bout de sa misère que s’il exprime d’abord clairement ses exigences de rénovation radicale et s’il les défend ensuite de toutes ses forces pour que cesse enfin le long hiver des Arabes. [...]. » (Extrait de la conclusion.)