La crise de la foi dans le temps présent : étrange manuscrit, sitôt écrit, sitôt mis de côté par son auteur, Alfred Loisy, qui l'utilise pourtant rapidement afin d'y puiser la matière des chapitres centraux de L'Évangile et l'Église (1902), par quoi commence véritablement la crise moderniste. Manuscrit qu'il envisage, après l'orage, tout à la fois d'éditer et de détruire, et qu'il lègue avec ses papiers à la Bibliothèque nationale de France... et à la postérité.
Un grand siècle plus tard, le temps est enfin venu de le lire dans son intégralité. Document impressionnant par sa dimension (il occupe presque les deux tiers de cet ouvrage) et par l'ampleur de ses vues (il embrasse une histoire croyante qu'il fait commencer avec l'Ancien Testament et qu'il amène jusqu'à l'actualité la plus brûlante), cet essai fut écrit en deux temps : une esquisse, au second semestre 1897, puis un texte définitif, rédigé sur une année pleine à partir de juillet 1898. Il porte un double titre, La crise de la foi dans le temps présent. Essais d'histoire et de philosophie religieuses, parce qu'il vise un double but, selon Loisy, commentateur de lui-même : faire « l'apologie du christianisme catholique » et proposer une « réforme du régime intellectuel dans le catholicisme romain ».
Alfred Loisy, né en 1857, a 40 ans en 1897. Écarté de l'Institut catholique en 1893 pour avoir voulu faire sérieusement le dangereux métier d'exégète, il exerce à Neuilly la fonction d'aumônier d'un pensionnat pour jeunes filles, où il prend à coeur sa modeste tâche tout en continuant ses publications savantes et en nouant des amitiés fécondes. Le premier exégète catholique de grand renom, depuis Richard Simon, écrit ici les réflexions d'un prêtre qui tente de déployer l'histoire du Salut en des termes qu'il veut à la fois exacts (rigueur exégétique) et actuels (relecture des dogmes).
L'entreprise collective qui a permis cette édition a vu le jour à l'initiative de François Laplanche, qui présente le texte de Loisy et en assure l'édition, et qui rappelle le contexte intellectuel et surtout exégétique des décennies précédentes. Deux autres spécialistes du Modernisme se sont mis, avec lui, au service de ce grand texte. Rosanna Ciappa scrute le temps d'une écriture d'immédiat réemploi et met en évidence la radicalisation des perspectives exégétiques de Loisy. Christoph Theobald restitue sa visée apologétique dans un XIXe siècle fécond, de l'école de Tübingen à Newman, et dans un XXe siècle ponctué par le Concile de Vatican II. Claude Langlois esquisse, dans son avant-propos, les enjeux de la fin d'un siècle dont Loisy voulait aussi, à sa manière, être le contemporain.
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