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« La France a mal à la Corse. C’est un mal dont la douleur se réveille souvent, mais auquel nous finissons aussi par nous habituer - mauvaise habitude, qui ronge nos valeurs, notre sens de la justice, notre respect de nous-même. Mais le mal est d’abord vécu en Corse. C’est là que la souffrance est la plus vive, que l’habitude est la plus nécessaire pour surmonter la souffrance, et qu’elle est aussi la plus démoralisante. Il ne faudrait donc pas s’étonner que nous vienne de Corse (...) l’analyse la plus sensible, la plus subtile et la plus profonde du mal corse. Et pourtant… L’un des effets de la tragédie actuelle est de paralyser la liberté de l’esprit, de saturer le regard par tel ou tel aspect de la réalité, de piéger le langage. Il faut beaucoup de courage pour prendre la distance sans laquelle on ne voit plus l’ensemble. Robert Colonna d’Istria a trouvé ce courage dans la qualité de sa culture historique. Il nous a donné naguère une superbe histoire de Corse. Nous comprenons avec ce livre-ci que c’était pour lui comme une préparation mentale. La Corse a une histoire. C’est dans cette histoire que s’inscrivent les trente dernières années. (...) Il nous fait comprendre, c’est son grand mérite, ce qu’a eu de dramatique pour la Corse l’interaction entre une société de méfiance et un système français qui n’était pas non plus celui de la confiance. Au lieu de faire entrer la Corse dans un grand mouvement qui aurait pu la libérer des structures claniques et patriarcales, nous l’avons enfoncée en elle-même. (...) Robert Colonna d’Istria donne finalement le sentiment que la confiance n’est pas absurde. Au-delà de la violence, du dérèglement, des complicités, de la démission de l’État, il y a une vitalité nouvelle, un renouveau culturel, une prise de conscience telle que la Corse ne peut plus se satisfaire de mythes. Il pose les repères d’un chemin pour sortir du cauchemar. De toutes les raisons de reprendre confiance, la moindre n’est pas qu’ait pu être écrit ce livre, où l’on ne sait ce qui l’emporte, de la distance ou de l’engagement. C’est le langage d’une Corse adulte. Puisse-t-il annoncer le printemps ! » Alain Peyrefitte