La notion de «construction sociale» est à la mode dans les différentes
sciences sociales et l'on rencontre fréquemment des travaux de recherche
retraçant ou proclamant «la construction», «l'invention», la «naissance», la
«production» ou encore la «fabrication» de tel ou tel phénomène. Mais, dans
la plupart des textes où elle est employée, la notion de «construction sociale»
n'est ni développée ni explicitée en elle-même, comme si elle allait de soi, alors
même qu'elle semble comprise différemment d'un auteur à l'autre. Pour Ian
Hacking, dire que le phénomène ou l'institution X est socialement construit
signifie que X n'est pas naturel, inévitable et qu'il aurait pu être autre ou ne
pas exister dans une autre configuration sociale ou historique, mais que X est
généralement tenu pour naturel, acquis, stable ou défini une fois pour toute. Le
constructivisme s'inspire de la métaphore de la construction pour l'appliquer de
façon heuristique à des phénomènes qui ne sont habituellement pas pensés ainsi.
Après avoir critiqué l'assimilation du constructivisme au relativisme
ou au subjectivisme, cet ouvrage propose tout d'abord une typologie des
approches constructivistes. Celle-ci est ensuite appliquée à l'étude des risques
psychosociaux au travail : définition de la situation et de la pénibilité du travail,
carrière et étiquetage dans l'organisation des personnes «stressées» ou en
«souffrance», institutionnalisation des catégories cliniques comme le stress,
le burn out ou le syndrome de fatigue chronique. La construction du mal-être
au travail dans les métiers en contact avec un public (infirmières, policiers
travailleurs sociaux, machinistes receveurs, etc.) est mise en connexion avec le
travail de catégorisation des usagers ou des clients par les street level bureaucrats.
Pour donner du sens à leur activité et gérer les difficultés du travail, les agents de
première ligne sont amenés à étiqueter et trier les personnes dont ils s'occupent.
Les exemples du travail soignant, des patrouilles de police secours et de la prise
en charge de la jeunesse à risque ou des personnes âgées fragiles permettent
de montrer comment la mise en forme et la perception stéréotypée des usagers
(malades, délinquants, jeunes, personnes âgées) modifie «par le bas» les
principes et les effets des politiques publiques mises en oeuvre.
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